Le Carnaval de Rio au Brésil : une célébration culturelle et économique unique

Le Carnaval de Rio de Janeiro vient de débuter. Il atteint son apogée lorsque les plus grandes écoles de samba au Sambodrome font leurs défilés emblématiques. L’événement, célébré à travers tout le pays, se distingue particulièrement à Rio sur les plans culturel et économique.

Sambodrome, au centre du carnaval

L’épicentre du Carnaval est le Sambodrome, un monument de béton créé il y a 40 ans par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer. Ce lieu emblématique voit défiler les écoles le long de l’avenue Marques de Sapucai, une artère de 700 mètres entourée de tribunes pouvant accueillir jusqu’à 70 000 spectateurs. Douze écoles du « Groupe spécial, » l’équivalent de la première division des écoles de samba, rivalisent pour remporter le titre convoité.

Chaque école dispose de 60 à 70 minutes pour impressionner le jury. Les critères de notation incluent les costumes, le développement du thème du défilé, la section rythmique (« batterie »), et les chars monumentaux (« allégories »). Le Carnaval de Rio n’est pas seulement une fête, c’est également une compétition féroce où chaque école cherche à se surpasser. Rio compte au total 120 écoles de Samba.

Rio est le théâtre du Carnaval de rue

Simultanément, depuis un mois, Rio est le théâtre du Carnaval de rue, une célébration tout aussi intense se prolongeant jusqu’en début de semaine prochaine. Animée par les « blocos, » des groupes de musiciens et fanfares, cette festivité donne lieu à des cortèges déambulant dans les quartiers.

Si le Sambodrome est le temple de la samba, les « blocos » apportent une diversité musicale étonnante, allant des boléros et tangos aux reprises des Beatles et au funk carioca, dominé par la star internationale brésilienne Anitta. Avec quelque 600 « blocos » défilant dans les rues, le Carnaval de Rio déborde de vie et d’énergie.

Près de 12 millions d’euros de financement

En 2024, le Carnaval de Rio a bénéficié du financement le plus important de son histoire, avec 62,5 millions de reais (près de 12 millions d’euros) du gouvernement régional. Sur cette somme, 40 millions de reais sont alloués aux écoles de samba, auxquels s’ajoutent 40 millions supplémentaires de la mairie de Rio.

Selon la Confédération nationale du commerce de biens, services et tourisme (CNC), l’événement injectera quelque 5,3 milliards de reais (environ un milliard d’euros) dans l’économie, avec une projection nationale de neuf milliards de reais (environ 1,7 milliard d’euros).

L’envers du décor : limiter les agressions

Malgré cela, derrière l’éclat festif, le Carnaval n’est pas sans ses défis. L’État de Bahia, dans le nord-est du Brésil, a récemment interdit l’usage de pistolets à eau dans les festivités de rue, suite à une agression violente l’année dernière. Rio de Janeiro a pris des mesures pour lutter contre les agressions sexuelles fréquentes, notamment en installant des points d’aide aux femmes dans les toilettes du Sambodrome.

Un autre défi est la propreté des rues après les festivités. La mairie de Rio a annoncé qu’elle répandrait 2 000 litres d’essence d’eucalyptus concentré pour éliminer l’odeur d’urine dans les rues.

Une ferveur dans tout le pays 

Le Carnaval s’étend bien au-delà de Rio, capturant l’esprit festif dans tout le pays. À São Paulo, la plus grande mégalopole d’Amérique latine, 15 millions de personnes sont attendues dans les rues avec 500 « blocos » défilant.

À Belo Horizonte, cinq millions de participants sont prévus, et à Recife, le « bloco » du Galo da Madrugada détient le record Guinness du « plus grand bloco de carnaval du monde, » ayant attiré 2,5 millions de personnes l’année dernière.

Un mélange de féérie et d’engagement politique

Les festivités se poursuivent avec six écoles offrant un spectacle époustouflant chaque nuit au Sambodrome, créé il y a 40 ans par l’architecte Oscar Niemeyer. « J’ai pleuré avant, pendant et après. C’est émotion sur émotion. Je n’ai pas les mots » décrit Wanda Ferreira, 33 ans, encore bouleversée après avoir descendu la mythique avenue Marques de Sapucai, une artère de 700 mètres de long flanquée de tribunes aux 70.000 places.

Elle a défilé pour l’école Salgueiro, qui a choisi d’aborder le sort des Yanomami, peuple d’Amazonie qui affronte une crise humanitaire causée par les incursions d’orpailleurs illégaux, entraînant sous-alimentation, pollution et morts.

La samba, inventée il y a un siècle

 « Nous sommes venus montrer à tous ce qu’il se passe en Amazonie, la déforestation, comment le peuple Yanomami est traité », dit Kevin Rodriguis, 22 ans, pour qui il était « très important » de traiter ce thème.

Signe que le sort des indigènes mobilise les consciences, une autre école, Grande Rio, a choisi de mettre en scène la mythologie du peuple tupinamba à travers la figure centrale du jaguar.

La samba a été inventée il y a un siècle par les communautés descendantes des esclaves africains conduits de force au Brésil. Depuis lors, elle est l’emblème de la culture populaire de Rio.

Un espoir de transformer la société brésilienne 

Les 12 écoles les plus renommées se préparent depuis un an pour arracher le titre de championne à l’issue d’un défilé de 60 à 70 minutes chacune. Leur sort sera tranché par des jurés sur la base de critères précis, qualité des chars et des costumes, choix du thème ou chorégraphie.

Les festivités ne se limitent pas au Sambodrome, avec le Carnaval de rue animé par les « blocos » et leurs cortèges variés en journée à travers la ville. Conceiçao Evaristo, écrivaine noire de renom, exprime l’espoir que cette célébration festive contribuera à transformer la société brésilienne, soulignant la nécessité d’une « citoyenneté de droit » plutôt que d’une simple « citoyenneté ludique. »

Un milliard d’euros attendu pour l’économie brésilienne 

Déploiement policier autour du Sambodrome pour parer à une criminalité aiguë à Rio, mesures pour contrer une épidémie de dengue : il s’agit de ne pas gâcher une fête à l’impact économique énorme. Près de 5,3 milliards de reais (un milliard d’euros) sont attendus pour l’économie durant les quelques semaines de fièvre carnavalesque.

Alexandre Reis, 52 ans, est technicien au sein de l’école Beija-Flor. Quelques heures avant l’entrée en scène, son équipe gérait une urgence: des lumières défectueuses sur un énorme char.

« On donne notre sueur et notre sang parce qu’on aime » cette école, lance-t-il. Parallèlement, le carnaval de rue, emmené par les « blocos » et leurs cortèges aux styles musicaux variés, se déchaîne en journée à travers la ville.

La grande écrivaine noire Conceiçao Evaristo, honorée samedi par un « bloco » dans le quartier chic d’Ipanema, connu pour sa plage de rêve, a formulé ce voeu pour son pays perclus d’inégalité: « Que ce moment de fête transforme » la société brésilienne « et que tout le monde soit intégré, non par une citoyenneté ludique, mais par une citoyenneté de droit ».

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