Amauric Guinard est cofondateur de SOFUB et son programme Colisactiv’, qui promeut la livraison écologique de colis et la mobilité durable dans ce secteur. Rencontre avec un acteur important de la cyclologistique pendant les JO à Paris et après.
Comment se préparent les acteurs de la logistique et du transport en prévision des Jeux Olympiques et Paralympiques ?
Incités à recourir à des modes de transports plus propres pour réduire l’impact de leur activité sur l’environnement, nombreuses sont les entreprises qui s’interrogent sur le fait de recourir à la cyclologistique. En effet, le décret de la Préfecture de police de Paris fait la part belle aux mobilités actives qui sont très peu contraintes aux abords des périmètres sécurisés et sont même autorisées à traverser certains corridors.
Par ailleurs, les Jeux Olympiques et Paralympiques vont bousculer la logistique métropolitaine pendant plus de deux mois : mise en place de corridors spécifiques, apparition de nouveaux points de congestions, approvisionnement et livraisons différés, etc.
De nombreux acteurs de la logistique et des livraisons sont donc en demande à la fois de solutions durables, mais également de solutions efficaces puisque les accès au cœur de Paris seront perturbés. Les accès aux véhicules lourds près des sites olympiques seront interdits, certaines zones seront uniquement réservées aux piétons et vélos, et des QR codes seront nécessaires pour accéder à certains quartiers. Les professionnels s’interrogent sur les différentes façons de procéder, c’est pourquoi nous avons décidé, au sein du programme ColisActiv’, de mettre l’accent sur la promotion de la cyclologistique comme alternative écologique et pratique.
Selon un sondage récent auprès de professionnels : plus de 80% souhaitent être informés dès maintenant et se disent insuffisamment informés, et 93% anticipent des contraintes logistiques fortes telles que la congestion routière accrue, les perturbations dans les horaires de livraisons, l’accessibilité restreinte de certaines zones et aires de stationnement mais aussi une augmentation de coûts.
Pour y répondre, la SOFUB, filiale cyclologistique de la FUB (Fédération française des Usagers de la Bicyclette) qui porte le programme CEE Colisactiv’, participe avec d’autres fédérations et acteurs de la logistique au groupe de travail LUJOP (Logistique Urbaine pendant les JOP), animé par le programme Interlud+, qui vise à anticiper l’impact des Jeux sur la logistique du quotidien et à partager toute information utile pour s’y préparer tout en réduisant les émissions et l’empreinte carbone.
Quel est l’objectif de l’annuaire que vous publiez pour les JO ?
Nous publions un annuaire spécifiquement dédié à la cyclologistique pour les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) en Île-de-France. Cet annuaire est une initiative de Colisactiv’, issue des réflexions lors des GT lujop évoqués au-dessus et suite à différentes sollicitations d’entreprises de transport nationales sur le sujet. Cet annuaire vise à faciliter et encourager l’usage de vélos cargos dans le secteur de la logistique en réponse aux contraintes d’accessibilités réglementaires comme naturelles qui entraveront les activités de livraison dans de nombreux secteurs.
L’annuaire cible plusieurs objectifs : regrouper les entreprises de cyclologistique aptes à absorber l’augmentation temporaire d’activité durant les jeux, afin que les entreprises de transport puissent facilement les contacter et leur sous-traiter du flux dans les zones complexes à livrer. Inclure un répertoire des entreprises permettant d’acheter/louer/maintenir un vélo cargo pour encourager les transporteurs à en intégrer directement dans leur flotte.
L’ambition de Colisactiv’ avec cet annuaire est de ne pas seulement fournir une liste de contacts, mais également de promouvoir activement la cyclologistique comme une solution logistique incontournable en zone dense ou fortement contrainte avec tous les avantages environnementaux qu’elle incarne.
L’annuaire propose un contenu éducatif riche sur les modèles de vélos cargos, leurs spécificités, et leur adéquation à différents besoins logistiques. Il aborde également des sujets tels que la gestion de la chaîne du froid et de la rupture de charge, tout en mettant en avant l’importance de la sécurité et de la formation pour une adoption efficace de cette pratique.
Quelle transition anticipez-vous pour la logistique post-JO pour les entreprises ?
Les plus grosses entreprises de cyclologistique étaient historiquement des entreprises de transport routier. On peut citer coursier.fr, Transcan ou même dans une certaine mesure La Poste qui aujourd’hui n’envisageraient plus de se séparer de leur flotte de vélo cargo.
Ainsi, je pense qu’un cyclologisticien sommeil en chaque transporteur et j’ai bon espoir que les difficultés opérationnelles liées à l’organisation des JOP permettent de le réveiller durablement. Parce qu’on en a besoin pour que la cyclologistique soit une réponse à la hauteur des problématiques tant opérationnelles, avec des villes de plus en plus imperméables aux camionnettes, qu’environnementales avec les enjeux liés à la pollution de l’air, au bruit, à l’’occupation de l’espace public…
D’un point de vue purement opérationnel, très rares seront les cyclologisticiens ou loueurs à accepter de contrat uniquement pour la durée des épreuves car ils n’auraient aucun intérêt à augmenter leur capacité sans visibilité pour amortir l’investissement que cela implique. Il y aura donc nécessairement un héritage lié à ces contrats qui dépasseront les JOP et j’espère bien plus. On dit souvent qu’essayer un vélo cargo c’est l’adopter, espérons que cela se vérifie et que les bonnes habitudes prises pendant les JOP subsisteront,
En conclusion, la période post-Jeux Olympiques marquera un tournant pour les entreprises dans le domaine de la logistique, avec un mouvement accéléré vers des pratiques plus durables. L’expérience acquise et les infrastructures mises en place pour les Jeux devraient agir comme un catalyseur pour une transformation durable des pratiques logistiques, en particulier vers la cyclologistique.
On anticipe une adoption plus large de la livraison à vélo, motivée par les bénéfices tangibles observés pendant les Jeux : réduction des émissions, amélioration de la fluidité du trafic, et accès facilité dans des zones urbaines densément peuplées. Cette transition s’inscrit dans un contexte plus large de prise de conscience écologique et de recherche de solutions logistiques moins impactantes pour l’environnement.
Les entreprises devraient également se trouver encouragées à pérenniser l’utilisation des vélos cargos et autres solutions de mobilité douce, et envisager dès maintenant des investissements à long terme pour intégrer ces pratiques dans leurs opérations quotidiennes. Cela inclut l’acquisition de flottes de vélos, la formation des employés, et la collaboration avec les autorités locales pour améliorer l’infrastructure cyclable et les options de stationnement.
