Dans la jungle amazonienne de Bolivie, Vital Muñoz se rend à la recherche des dernières noix du Brésil de la saison. Comme lui, des milliers de ramasseurs de ce fruit exporté dans de nombreux pays, s’inquiètent de la déforestation qui ne cesse de croître, ce qui réduit les récoltes.
« Je ne peux pas imaginer ma vie sans la forêt »
« La forêt est en train de disparaître (…) je ne peux pas imaginer ma vie sans la forêt », déplore cet habitant de 76 ans d’une petite communauté de 42 familles de la municipalité de Cobija, dans le département de Pando, à la frontière avec le Brésil.
« Nous récoltions plus de fagots avant (…) mais la forêt s’éloigne », assure-t-il, inquiet du recul de la jungle amazonienne d’une année sur l’autre en raison de la déforestation. Désormais, avec cinq de ses sept enfants cueilleurs comme lui, il dit devoir marcher une demi-heure ou plus pour arriver jusqu’à une zone de récolte. Avant, il y en avait à un quart d’heure à peine.
À l’ombre d’une épaisse végétation, il s’enfonce dans la forêt humide pour récolter les derniers fruits de la saison qui s’étend de décembre à mars. Avec une machette, il ouvre l’épaisse coque brune d’une dizaine de centimètres de ces fruits du noyer d’Amazonie (Bertholletia excelsa), un arbre qui peut atteindre 60 m de haut et vivre jusqu’à 1000 ans.
Les vertus des noix du Brésil
A l’intérieur, les noix en forme de demi-lune renfermant l’amende blanche vantée dans le monde pour ses multiples bienfaits sur la santé. En une journée, un ramasseur peut remplir un fagot de 70 kg, ensuite vendu pour l’équivalent de 35 dollars.
En 2020, la Bolivie était le premier exportateur au monde de ces fruits réputés pour leurs bienfaits nutritionnels, loin devant le Pérou et le Brésil, selon l’Institut bolivien du commerce extérieur (IBCE). Mais en 2023, le pays n’a exporté que 23.000 tonnes, soit une baisse de 15% par rapport à l’année d’avant, selon l’IBCE.
Près de 90% de la production est distribuée aux Pays-Bas, aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et au Brésil.
« La déforestation est un problème qui affecte l’industrie de la noix du Brésil », confirme l’ingénieur forestier Paul Cardenas, du Centre de recherche et de promotion de la paysannerie (Cipca). « Les incendies de forêt ont peut-être entraîné un déclin des insectes pollinisateurs et, par conséquent, la production de noix a été affectée », note-t-il.
25 000 familles récoltantes de cette noix
La Bolivie est l’un des trois pays au monde qui a perdu le plus de forêt tropicale en 2022, avec environ 400.000 hectares de jungle détruits, selon le dernier rapport de la plateforme Global Forest Watch GFW). Les incendies de forêt sont responsables de ce déclin, que le gouvernement attribue à l’agro-industrie.
En Bolivie, plus de 25.000 familles se consacrent à la récolte de ce fruit, selon l’Agence nationale de l’alimentation. La noix du Brésil ne nécessite ni engrais ni pesticides. Le processus de pollinisation se fait de manière naturelle par le biais d’abeilles ou de petits rongeurs.
« Nous ne faisons pas de fumigation. Nous traçons les sentiers par où nous allons pénétrer sans endommager la plante mère », souligne Walter Alvis, un cueilleur de 39 ans. La région de production couvre, selon les chiffres officiels environ 100.000 km2, soit 10% de la superficie du pays, autant de territoires conservés.