Alors que la France enregistre un nombre de naissances historiquement bas, l’économiste Maxime Sbaihi « expert-associé sur les questions économiques et démographiques » analyse les causes profondes de cette baisse et remet en question l’efficacité des politiques monétaires et fiscales pour inverser la tendance.
« On n’achète pas la fécondité » : Maxime Sbaihi décrypte la crise démographique
Journaliste : L’Insee a récemment publié des chiffres alarmants sur la natalité en France. Pourquoi la question de la dénatalité est-elle si complexe à traiter ?
Maxime Sbaihi : La baisse des naissances est un phénomène multifactoriel. Ce n’est pas une simple question d’incitations économiques. Le logement, les revenus, les modes de garde ou encore le climat social jouent un rôle essentiel dans la décision d’avoir un enfant. Les gouvernements sont démunis face à cette problématique, car il n’existe pas de levier unique pour relancer la natalité. Malheureusement, beaucoup de décideurs politiques s’accrochent à l’idée que l’on peut inverser la tendance avec des aides financières, alors que la fécondité réagit très peu aux incitations monétaires ou fiscales.
Moins de naissances, un impact direct sur l’économie
Journaliste : Quand on parle de dénatalité, on évoque souvent son impact sur le système des retraites, mais moins sur la consommation. Pourquoi ?
Maxime Sbaihi : C’est vrai que l’attention est principalement portée sur les retraites, car notre modèle social repose sur une répartition démographique équilibrée. Pourtant, les effets économiques de la baisse des naissances sont immédiats. Les secteurs liés à la petite enfance, comme l’alimentation pour bébés, l’habillement ou les jouets, ressentent déjà une baisse de la demande. En Italie, la marque Plasmon a même lancé une campagne publicitaire choc, « Adamo 2025 », qui imagine le dernier enfant né dans le pays. Cela montre à quel point l’industrie est préoccupée par la chute des naissances et ses répercussions sur le marché.
Les gouvernements impuissants face à la dénatalité ?
Journaliste : Face à cette tendance, que peuvent faire les gouvernements ?
Maxime Sbaihi : C’est une question difficile. Relancer la natalité implique d’améliorer l’accès au logement, de garantir des revenus stables et de développer des solutions de garde adaptées. Mais ces mesures demandent du temps et des efforts de long terme. Les politiques actuelles se limitent souvent à des aides financières ponctuelles : allocations supplémentaires, augmentations de plafonds, exonérations fiscales… Pourtant, ces mesures ne suffisent pas. Comme je le dis souvent, « on n’achète pas la fécondité ». La France a longtemps cru être une exception avec un taux de natalité élevé jusqu’en 2010, mais depuis, la chute est bien réelle et rien ne laisse présager un retournement rapide de la tendance.
Journaliste : Emmanuel Macron avait parlé d’un « réarmement démographique ». Où en est-on aujourd’hui ?
Maxime Sbaihi : Cette idée a été évoquée, mais les chantiers annoncés ont été abandonnés. Il y a eu l’illusion que la natalité allait rebondir après la pandémie, mais en réalité, la baisse s’est accélérée. Aujourd’hui, il est temps d’admettre que la dénatalité est une tendance lourde et qu’elle mérite une réponse plus structurelle, au-delà des simples aides financières.