Érosion côtière en France : les communes littorales face à l’incertitude

L’érosion, amplifiée par le changement climatique, représente une menace grandissante pour les côtes françaises et engloutissent déjà 20% du littoral, soit 920 km. Cette réalité pousse de nombreuses communes à naviguer à vue et cherchent à anticiper ce phénomène. Certaines doivent réinventer un modèle économique basé sur le tourisme.

Un triple risque de submersion

« L’intensité et la fréquence des tempêtes hivernales remettent en question l’habitabilité des territoires littoraux », souligne François Hédou, directeur de projets au Cerema. Les littoraux, densément peuplés et confrontés à un triple risque de submersion, d’érosion et d’inondation, nécessitent une « recomposition spatiale » depuis la tempête Xynthia de 2010.

La loi Climat de 2021  confie aux communes la gestion de l’érosion, dotés d’outils d’intervention foncière. « Il y a un recul chronique du trait de côte, mais il peut aussi y avoir un recul événementiel de 15-20 mètres lors d’une grosse tempête, comme un éboulement de falaise », explique François Hédou.

Des zones exposées, interdites de construction

Listées par décret, 242 communes volontaires doivent désormais cartographier l’évolution à 30 et 100 ans de leur trait de côte. Cette démarche entraîne des interdictions de construire ou des obligations de démolir dans les zones exposées, témoignant de la nécessité de contraintes préventives.

« Il y a un recul chronique du trait de côte, mais il peut aussi y avoir un recul événementiel de 15-20 mètres lors d’une grosse tempête, comme un éboulement de falaise », affirme François Hédou.

Jusqu’à 50 000 logements touchés d’ici 2100

Selon le scénario pessimiste du Centre, jusqu’à 50 000 logements, évalués à 8 milliards d’euros, pourraient être touchés d’ici 2100. L’Association nationale des élus des littoraux estime quant à elle l’impact global à « plusieurs dizaines de milliards d’euros ». Cependant, l’indemnisation pour l’érosion reste floue et suscite des inquiétudes parmi les maires.

« L’érosion est une menace de long terme, alors qu’une rupture de digue due à une submersion peut tuer des gens », explique Franck Desmazes, géologue au BRGM.

Le Comité national du trait de côte travaille sur un modèle de financement pour le projet de loi de finances 2025, incluant un « fonds érosion » alimenté par les droits de mutation.

Face à ces propositions, l’Association des maires de France craint un désengagement de l’État, soulignant « une approche intégrée des enjeux littoraux ». « L’idée n’est pas de construire le Mur de l’Atlantique, mais de protéger le temps de s’adapter », précise Sophie Panonacle, députée et pilote du CNTC.

« Plus de 100 mètres par endroits »

Les communes, confrontées à la réalité quotidienne de l’érosion, expriment des inquiétudes quant à la viabilité des solutions proposées. À Wissant (Pas-de-Calais), 800 habitants, où le trait de côte a reculé de « plus de 100 mètres par endroits », la maire Laurence Prouvot témoigne des défis concrets auxquels elles font face.

« Il n’y a plus de plage sèche à marée haute. Les habitants déposent même leurs sapins de Noël flétris au sommet des dunes pour les stabiliser, mais cela ne suffira pas à contrer l’érosion », explique-t-elle. La commune recharge aussi régulièrement sa dune en sable, une opération à 25.000 euros.

Certaines communes, comme Lacanau (Gironde), reconsidèrent leur projet de relocalisation du front de mer faute de moyens juridiques et financiers. Le maire, Laurent Peyrondet, souligne l’incapacité des élus à mener seuls la relocalisation de 1 200 appartements et 110 commerces, évalués à « plus de 400 millions d’euros ».

« Les villes littorales doivent repenser tout un modèle économique »

Les critiques fusent également au sujet des outils et solutions proposés. Yves Le Quellec de France Nature Environnement souligne que « la gestion du trait de côte n’avance pas » et déplore que les gens doivent frôler la mort pour prendre conscience du danger.

« On est dans le monde de Oui-Oui. Vous imaginez des propriétaires de maisons à 3 millions d’euros accepter de vendre à 75% de la valeur ? Les villes littorales doivent repenser tout un modèle économique », affirme-t-il. D’autant que le marché immobilier sur les littoraux n’est pas toujours rationnel, confirme l’AMF.

« Les propriétaires ne sont pas prêts à vendre avec une décote sachant qu’ils ont des repreneurs à des prix équivalents, y compris en zone menacée, voire avec des plus-values substantielles », souligne l’Association des maires de France.

Selon Benjamin Taupin, enseignant-chercheur à Paris Saclay, la résistance à l’érosion implique principalement une « restructuration authentique socio-économique » sur une étendue côtière de « plusieurs dizaines de kilomètres », plutôt que de se limiter à des déplacements ou suppressions basiques.

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