Le Groenland, avec ses immenses ressources naturelles, est au cœur des enjeux géopolitiques et environnementaux contemporains. Tandis que la tentation du profit persiste, les habitants du territoire doivent choisir entre exploitation économique et préservation de leur environnement unique.
Le Groenland, un trésor convoité : entre richesse naturelle et pressions économiques
Le Groenland, île la plus vaste du monde, est aujourd’hui un terrain de convoitises. Le 7 janvier 2024, Donald Trump Jr. a créé la surprise en atterrissant au Groenland, peu après que son père, Donald Trump, ait déclaré vouloir annexer le territoire pour des raisons de sécurité nationale. Ce projet a ravivé les tensions autour de la souveraineté de l’île, qui fait partie du Danemark depuis plusieurs siècles. En effet, bien que le Groenland ait obtenu un statut autonome en 1979, une partie de la population groenlandaise réclame une indépendance totale. Ce contexte politique complexe se mêle à la réalité géopolitique et à l’exploitation des ressources naturelles du territoire.
Un sous-sol riche en ressources convoitées
Le Groenland abrite des ressources précieuses que les grandes puissances cherchent à exploiter. En raison du réchauffement climatique, de nombreuses régions autrefois inaccessibles s’ouvrent à l’exploitation minière. L’île regorge de métaux rares, comme le cobalt, le nickel et l’or, nécessaires pour la fabrication de technologies modernes. La société KoBold Metals, soutenue par des milliardaires comme Jeff Bezos et Bill Gates, mène des prospections pour dénicher ces ressources, avec une grande partie de ses activités concentrée sur la baie de Disko. Mais les richesses du Groenland ne se limitent pas aux minéraux. L’eau pure de l’île, un véritable trésor, se vend à prix d’or, et certains entrepreneurs, tels que la marque Inland Ice, en tirent des profits considérables, la commercialisant comme de l’« or bleu » dans les restaurants gastronomiques à travers le monde.
Mais ce n’est pas tout. Le Groenland dispose également d’énormes gisements de sable, de fer, d’uranium et même de rubis. Les perspectives d’extraction minière semblent infinies, d’autant plus que la fonte des glaces ouvre la voie à de nouvelles exploitations. De plus, avec un climat en mutation, certaines zones autrefois inhabitées pourraient devenir favorables à l’agriculture. Ces ressources attirent les convoitises de pays comme les États-Unis, la Russie et la Chine. En 2020, par exemple, les États-Unis ont renforcé leur présence diplomatique à Nuuk, une manœuvre qui semble s’inscrire dans une stratégie d’influence sur cette région stratégique. L’île est, en effet, bien située près de la « Route du Nord », une route maritime qui, grâce au dégel de l’Arctique, pourrait raccourcir les trajets entre la Chine et l’Europe.
Le Groenland face à un dilemme écologique et économique
En 2021, le gouvernement du Groenland, dirigé par une majorité écologiste, a pris une décision radicale : interdire l’exploration pétrolière. Une décision marquante qui s’inscrit dans une volonté de préserver l’environnement fragile de l’île. Alors que l’économie groenlandaise dépend toujours des subventions danoises, et que la population locale souffre de nombreux maux sociaux, la question de l’exploitation des ressources naturelles devient centrale. La préservation de l’écosystème, notamment les glaciers, ainsi que de la faune et de la flore menacées, se pose comme un enjeu crucial.
L’Unesco a classé en 2004 le fjord d’Ilulissat, site naturel remarquable et unique témoin de la dernière période glaciaire. Le tourisme lié à ce classement génère des revenus, mais la pression touristique pose un dilemme : faut-il privilégier l’exploitation économique ou la préservation de ce patrimoine naturel unique ? Cette question de la « préservation » pourrait être rapprochée du concept d’exception culturelle. Tout comme certains pays protègent leur culture contre la marchandisation, le Groenland pourrait-il instaurer une « exception environnementale » pour sauvegarder son patrimoine naturel, tout en rejetant les pressions économiques mondiales ?
Un avenir incertain pour le Groenland : entre autonomie et préservation
Si l’exploitation des ressources du Groenland est séduisante d’un point de vue économique, elle soulève aussi des inquiétudes concernant les impacts environnementaux à long terme. La fonte de la calotte glaciaire, en particulier, entraîne des conséquences dramatiques sur le climat mondial. De plus, le Groenland fait face à des défis sociaux internes, notamment un taux de suicide élevé, des problèmes de dépendance et des tensions politiques liées à son statut. La décision de se concentrer sur la protection de l’environnement pourrait apporter des bénéfices à long terme pour la population groenlandaise, tout en répondant aux exigences internationales de préservation des écosystèmes.
Face à l’exploitation minière croissante, le Groenland pourrait se retrouver à un carrefour décisif. Doit-il privilégier l’exploitation des ressources naturelles pour améliorer la qualité de vie de sa population, ou doit-il devenir un bastion de la préservation écologique, offrant ainsi un modèle de développement durable unique dans le monde ?
SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
https://theconversation.com/les-ressources-du-groenland-entre-protection-de-lenvironnement-et-tentation-du-profit-192277