Près de Paris, « Iseult », l’IRM le plus performant du monde a livré ses premières images du cerveau humain. Armé comme jamais, il est désormais prêt à mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau et de certaines maladies neurodégénératives ou psychiatriques.
La puissance de 11,7 Tesla
Il y a trois ans, les chercheurs du CEA, situé sur le plateau de Saclay (Essonne), avaient choisi d’étrenner l’engin avec un potimarron… Ce n’est que récemment, que les autorités sanitaires ont donné leur feu vert pour l’examen des sujets humains.
Durant les derniers mois, une vingtaine de volontaires sains ont pu entrer à l’intérieur de la machine, qui a dévoilé les premières images de leur cerveau. « On a un niveau de finesse jamais atteint au CEA », se félicite Alexandre Vignaud, physicien, directeur de recherche au CEA.
Le champ magnétique de cet aimant hors norme atteint 11,7 T (tesla), ce qui permet l’obtention d’images dix fois plus précises que celles produites actuellement dans les hôpitaux, où la puissance des IRM ne dépasse pas 3 tesla.
Des « détails du cervelet qui étaient quasi invisibles jusqu’alors »
Sur l’écran d’Alexandre Vignaud, des images de coupes de cerveau sont comparées avec ce qu’aurait donné un IRM de 3 ou 7 tesla: « avec cette machine, on peut voir les tout petits vaisseaux qui alimentent le cortex cérébral, ou des détails du cervelet qui étaient quasi invisibles jusqu’alors », commente-t-il.
« Leur précision est à peine croyable ! », s’est enthousiasmée la ministre de la Recherche Sylvie Retailleau dans une déclaration à l’AFP. « Cette première mondiale va permettre de mieux détecter et de mieux traiter les pathologies cérébrales ».
Une IRM 2.0 baptisée « Iseult »
La machine, un aimant de 132 tonnes abrité dans un cylindre de 5 mètres de long et autant de haut, composé d’une bobine où circule un courant de 1.500 ampères, présente une ouverture de 90 cm pour accueillir un corps humain.
Cette prouesse technique, aboutissement d’un partenariat franco-allemand, a nécessité plus de 20 ans de recherche. Baptisé « Iseult », l’IRM (appareil à imagerie par résonance magnétique) est la star de Neurospin, le centre de recherche sur l’imagerie cérébrale du CEA, dirigé par le neuroscientifique Stanislas Dehaene.
Ambition similaire pour les Etats-Unis et la Corée du Sud
En concurrence, deux projets aux Etats-Unis et en Corée du Sud, ont des ambitions similaires mais ne sont pas encore parvenus à l’étape cruciale de l’imagerie sur l’homme. L’un des objectifs de cet IRM hors norme est d’affiner la compréhension de l’anatomie du cerveau et les zones qui s’activent lors de la réalisation de certaines tâches.
Les scientifiques savent déjà que différents types d’images que nous sommes capables de reconnaître (un visage, un lieu, un mot…) activent des régions distinctes du cortex cérébral.
Avec l’IRM à 11,7 T, « on va pouvoir mieux comprendre la relation entre structure et fonctions cognitives du cerveau, lorsqu’on lit un livre ou qu’on fait un calcul mental par exemple », assure Nicolas Boulant, directeur de recherche au CEA et responsable scientifique du projet.
Diagnostic précoce des maladies neurodégénératives
Avec cette IRM, il s’agira aussi d’élucider les mécanismes à l’œuvre dans des maladies neurodégénératives (type Parkinson ou Alzheimer) ou encore dans les affections psychiatriques (dépression, bipolarité, schizophrénie…).
« On sait par exemple qu’une zone en particulier – l’hippocampe – est impliquée dans la maladie d’Alzheimer, donc on espère pouvoir comprendre l’organisation, le fonctionnement des cellules de cette partie du cortex cérébral », illustre Anne-Isabelle Etienvre, directrice de la recherche fondamentale au CEA.
Les scientifiques espèrent aussi pouvoir cartographier la distribution de certains médicaments, tel que le lithium, préconisé dans le traitement du trouble bipolaire.