Jacques Rougerie, architecte des océans travaille sur des projets d’envergure. Le Seaorbiter est un projet de « vaisseau d’exploration des océans » et un « laboratoire océanographique flottant. » Jacques Rougerie travaille à la création de ponts entre l’Homme et l’océan. Rencontre avec un homme dont les ambitions pour les mers sont immenses.
En quoi consiste votre métier d’ « architecte des océans » ?
En réalité, je suis architecte tout court. Je construis aussi bien sur terre que sur mer. On a fait un certain nombre de musées de la mer comme Nausicaa à Boulogne-sur-Mer, Océanopolis à Brest ou encore la cité de la mer à Cherbourg.
Depuis toujours, je suis passionné par les océans. Je suis fasciné et je rêve d’océan. Puis je suis tombé au bon endroit et au bon moment dans la grande aventure « Cousteau : les maisons sous-marines ».
Jules Verne disait : « ce qu’un homme est capable d’imaginer, d’autres hommes seront capables de le réaliser ». Donc j’ai voulu réaliser les rêves de Jules Verne à travers ces habitats marins.
C’est un peu la synthèse entre les maisons sous-marines et un bateau qui s’appelait l’Aquaspace avec lequel j’ai traversé l’Atlantique. Il avait la coque centrale transparente sur 22 M de long.
Avec votre fondation, vous remettez des prix à des jeunes qui travaillent sur l’aménagement des littoraux et sur le biomimétisme. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
Il y a une dizaine d’années, j’ai créé la fondation Jacques Rougerie avec le prince Albert de Monaco. Cette fondation, elle est sous l’égide de l’institut de France. Ma passion, ça a toujours été de transmettre. Je veux transmettre aux jeunes cette passion que j’ai eue moi-même, et que j’ai toujours d’ailleurs.
Ces rêves sont le symbole de tout ce travail que nous avons mené en équipage depuis une trentaine d’années. Je crois en toute sincérité, qu’à l’heure actuelle, ce sont les jeunes qui nous montrent le chemin vers ce vers quoi il faut tendre par rapport à la mer, mais aussi vers comment bâtir ce futur à travers cette transversalité.
Cette fondation remet chaque année des grands prix, dont celui d’architecture et d’engineering de la mer. C’est un prix sur la problématique du littoral et la problématique sur la montée du niveau des océans : comment arriver progressivement à trouver des solutions par rapport aux zones géographiques et sociétales ? À chaque fois c’est différent, si ce sont les Maldives ou si c’est la Hollande ce ne sont pas du tout les mêmes problématiques économiques et sociétales.
Nous arrivons sur des approches très intéressantes. Je crois beaucoup à la conquête spatiale. Il y a beaucoup de similitudes entre le monde sur terre et le monde sous-marin. Il faut faire confiance en ces jeunes. On a plus de 10 000 candidats de 135 pays : je peux vous dire qu’ils ont un imaginaire extraordinaire. Ils nous montrent tous les chemins des possibles.
Quelles sont les autres activités de la Fondation Jacques Rougerie ?
La fondation qui accompagne les prix fait de grandes expositions à travers le monde, aussi bien en Chine, qu’aux États-Unis ou en Europe. Ensuite, on les met dans les circuits industriels et on les aide à monter des start-up.
Avec le CNES et l’ESA, un module lunaire a rejoint l’exposition universelle à Dubaï. Le prix par exemple de la problématique de la montée du niveau des océans, on les a accompagnés au Bangladesh. Nous les avons mis en relation avec l’Unesco et cela leur permet de poursuivre leurs études. Ce sont les fondements de cette fondation.
Projet Seaorbiter
En termes d’écologie, voyez-vous les politiques bouger ? Les choses vont-elles dans le bon sens ou est-ce encore trop lent ?
La jeunesse s’implique, je le vois bien à travers les actions actuelles. On l’a vu à l’ICN à Marseille. Nous avons vu cet engouement, mais cela n’est pas suffisant. On est on est tellement sensible à ces grands enjeux liés aux océans et au littoral, qu’on a envie que cela aille plus vite. A mon âge, je peux vous dire que les changements sont quand même assez radicaux, mais pas suffisants.
J’ai eu la chance de parcourir les mers du monde, où j’ai vu des zones extraordinaires d’une beauté incroyable. Et j’ai vu des dégradations hallucinantes ; mais c’est vrai qu’avec les aires marines protégées, on voit qu’il y a un espoir. Si on protège, on peut y croire. Il faut y croire, il faut être passionné par ces grands enjeux. Je crois en la jeunesse et en l’éducation. C’est avant tout un problème d’éducation bien sûr. L’état doit accompagner et donner un souffle par rapport à ces grands enjeux. Mais c’est la jeunesse qui peut emporter ce nouveau rapport entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’océan.
Quelle est votre vision par rapport à l’avenir ?
J’ai terriblement conscience que ces jeunes pensent au catastrophisme. Je suis un anti-catastrophisme mais un grand pragmatique. Je vois les déchets. J’ai vu vraiment des choses incroyables et inadmissibles. Mais l’océan est tellement immense. On connaît tellement peu l’océan.
Nous le savons tous, l’océan c’est 71% de la surface du globe. J’ai eu la chance de traverser l’Atlantique avec ce bateau de 22 mètres de long avec la coque centrale complètement transparente, j’ai pu voir des choses incroyables de beauté et je crois qu’il reste encore beaucoup de belles choses à voir dans les océans. Il faut avoir cette conviction pour justement réagir. Je crois beaucoup aux côtés positifs pour réagir et faire des actions concrète.