« La Ferme des Bertrand » : un film qui révèle la vraie vie agricole

Le réalisateur Gilles Perret retrace un demi-siècle dans la vie d’un élevage laitier de montagne, avec « La Ferme des Bertrand ». C’est sans nostalgie qu’il redonne « de la dignité à des gens qui ont été mal considérés ».

Évolution d’une ferme de montagne

En 1972, trois hommes cassent péniblement des cailloux. Se présentant comme des « ennemis de la médiocrité », ces rejetons d’une fratrie de sept commencent à construire un grand bâtiment pour accueillir leurs vaches, alors qu’il était encore fréquent de les garder dans un coin de la maison. En 1997, les trois frères passent le relai à un neveu et à son épouse Hélène. Puis en 2022, Hélène va partir à la retraite. Son fils et son gendre prévoient d’installer un robot de traite pour compenser son absence.

Le documentaire, en salle actuellement, en pleine fronde agricole, montre l’évolution d’une ferme de Haute-Savoie, entre Chamonix et Genève, à 50 ans d’écart.

Nichée dans un hameau au cœur des Alpes, l’exploitation qui produit du lait pour le reblochon a la particularité d’avoir été immortalisée trois fois. La première pour un reportage de quelques minutes diffusé à la télévision. Puis par le voisin Gilles Perret, qui en fait le sujet de son premier documentaire (« Trois frères pour une vie »).

La vision novatrice des frères Bertrand

Gilles Perret, qui vit toujours dans le hameau, se rappelle de la venue de la télévision en 1972: « On est déjà un peu loin de tout en ce moment, mais à l’époque, c’était encore autre chose. Nous, les gamins qui restions là-haut, on était vraiment les ploucs », décrit-il à l’AFP.

« Et si la télé venait, c’est parce que les frères Bertrand étaient novateurs. » A toutes les époques, André Bertrand crève l’écran avec sa moustache et son phrasé. Il estime qu’ils travaillent « beaucoup trop » mais n’ont d’autre choix pour améliorer leur sort.

Réflexion sur la dignité agricole

« S’il fallait être concurrentiel avec les producteurs de lait polonais, avec la pente, la neige… Il y a longtemps qu’il n’y aurait plus un producteur de lait chez nous ». Gilles Perret, qui a aussi travaillé sur « La Ferme des Bertrand », explique : « Le but, c’était de casser les clichés, l’image qu’on pouvait avoir des agriculteurs. (…) Redonner aussi de la dignité à des gens qui ont été mal considérés. »

La vie de la nouvelle génération n’est pas exempte de drames – le mari d’Hélène est décédé brutalement – et de difficultés, mais elle semble plus douce, allégée par des machines qui évitent le port de charges lourdes, distribuent automatiquement des rations aux vaches et bientôt les trairont sans intervention humaine.

« Il y a eu beaucoup de films sur le retour à la terre »

« Il y a eu beaucoup de films sur le retour à la terre. On a aussi vu beaucoup de choses sur le suicide des agriculteurs, les horreurs de Monsanto (fabricant de pesticides, racheté par Bayer), l’agriculture industrielle, etc. Mais on a assez peu vu cette agriculture moyenne qui fonctionne bien », remarque Gilles Perret.

À l’issue des avant-premières, il a rencontré « des gens qui s’y retrouvent » mais aussi « des gens qui disent : C’est une fable que vous nous racontez-là, parce qu’on leur a répété que c’était la merde dans l’agriculture française… ». « Mais il faut dire pourquoi ça se passe bien » pour les Bertrand, insiste Gilles Perret: ils sont dans l’appellation d’origine protégée (AOP) reblochon qui « fait que le lait est payé deux fois plus cher qu’aux éleveurs de plaine ».

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