La culture des champignons en France connaît une véritable révolution qui allie tradition et technologie de pointe. Des entreprises telles que Cabane&Cie investissent dans des infrastructures modernes, comme douze chambres de culture dernier cri à Parentis-en-Born (Landes). Ces installations innovantes visent à améliorer la productivité tout en réduisant la pénibilité du travail de cueillette.
Une compétitivité face au « dumping social »
Dans ces installations modernes, des étagères inclinées facilitent le travail des cueilleurs, tandis que des nacelles mobiles leur permettent de récolter les champignons sans avoir à manipuler de lourdes caisses. Vincent Audoy, cofondateur de Cabane&Cie, souligne l’importance de ces améliorations pour maintenir la compétitivité face au dumping social pratiqué par certains pays.
Dans le Sud-Ouest de la France, des entrepreneurs comme Laurent Disson ont réussi à réinventer la culture des champignons, qui illustre le renouveau d’une filière longtemps malmenée par la concurrence étrangère. Dans une ancienne carrière de pierre à Saint-Germain-de-la-Rivière, en Gironde, Disson cultive des champignons bio, pleurotes et shiitakés depuis 2022.
« La journée, je suis un peu seul, mis à part quelques chauves-souris », s’amuse le quinquagénaire, gérant de l’entreprise Lo Champi Bio. « J’avais vraiment envie de faire quelque chose de mes mains, de nourrir l’humain », relève cet ancien commerçant sur internet. « Les clients en ont marre de manger du champignon gorgé d’eau, sans goût, qui ne se conserve pas, qui ne se tient pas à la cuisson. Il y a un retour du qualitatif. »
L’importance du qualitatif dans le secteur des champignons
Selon Jean-Michel Savoie, de l’Inrae de Bordeaux, la présence de carrières un peu partout en France représente une alternative aux cultures en chambres climatisées. « Vu le coût de l’énergie et la sensibilité à l’environnement, on revient à ce type d’exploitations, qui bénéficie des effets climatiques naturels du sous-sol », note ce chercheur de l’unité mycologie et sécurité des aliments.
« On voit pas mal de projets visant à relancer la production dans d’anciennes carrières », confirme Réjane Mazier, secrétaire générale de l’Association nationale interprofessionnelle du champignon de couche (Anicc), filière qui emploie 2.500 salariés pour un chiffre d’affaires annuel de 109 millions d’euros.
Selon cette responsable, la production nationale de champignon frais est en « hausse régulière », soutenue par un « regain d’intérêt » des distributeurs pour l’origine France. Elle est passée de 36.000 tonnes en 2000 à 40.000 aujourd’hui, principalement dans les Pays de la Loire et le Centre-Val de Loire.
Une production qui chute de 140 000 à 75 000 tonnes
Sur cette même période, la production totale de champignons français chutait de 140.000 à 75.000 tonnes, sous l’effet de l’effondrement de la filière destinée aux conserves, avec son lot de fermetures et de restructurations. Elle est encore représentée par la liquidation judiciaire fin 2023 d’un site à Ternay (Loir-et-Cher) et une procédure de redressement judiciaire à Chancelade (Dordogne).
A Saint-Germain-de-la-Rivière, la carrière a été occupée pendant trente ans par une champignonnière industrielle, délocalisée en Pologne dans les années 1990, raconte Laurent Disson. « On ne peut pas rivaliser avec le smic polonais », résume Réjane Mazier. La Pologne a représenté 80% des 45.000 tonnes de champignons frais importés en France en 2022.
Pour rester compétitif, d’autres pistes existent : la société Cabane&Cie a investi 15 millions d’euros dans douze chambres de culture dernier cri à Parentis-en-Born (Landes), pour réduire la pénibilité de la cueillette et doubler le rendement.
Payer plus cher pour un champignon d’origine France
Dans un hangar de 35 mètres de long, des étagères remplies de substrat s’inclinent en direction du cueilleur pour faciliter ses gestes, explique Vincent Audoy, cofondateur en 2023 de cette entreprise d’une centaine de salariés. Les cueilleurs, debout dans des nacelles mobiles, déposent les champignons sur un tapis roulant, sans lourdes caisses à déplacer.
« Sans ces efforts autour de la pénibilité, on ne serait absolument pas rentables », confirme Vincent Audoy. « Certes, le consommateur est prêt à payer plus cher pour un champignon d’origine France, mais face au dumping social de certains pays, ce n’est pas suffisant. Ce nouveau système d’étagères nous permet d’y répondre. »
La société, qui produit 45 tonnes de champignons par semaine à destination du marché aquitain, dégage 8 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel et ambitionne de produire, à terme, son propre compost pour « atteindre une taille critique ». En attendant, peut-être, de déployer la technologie d’intelligence artificielle d’une start-up suisse pour « pointer quel champignon cueillir », s’enthousiasme Vincent Audoy.