Les eurodéputés votent pour l’interdiction des produits issus du travail forcé

Le Parlement européen approuve l’interdiction des marchandises qui proviennent du travail forcé, avec un marqueur particulier sur la Chine. Un prochain vote est prévu pour instaurer un « devoir de vigilance » accru des entreprises afin de garantir la protection de l’environnement et des droits humains tout au long de leurs chaînes de production.

Une majorité écrasante pour interdire les produits issus du travail forcé

Le Parlement européen et les représentants des États membres de l’UE ont conclu un accord sur une loi interdisant la vente de biens fabriqués par le travail forcé au sein de l’Union européenne, ce qui pourrait avoir un impact sur les produits chinois associés à la minorité musulmane ouïghoure.

Le texte a été adopté à une écrasante majorité (555 pour, 6 contre, 45 abstentions) en plénière, avant l’ultime confirmation formelle des États. « L’Europe ne peut exporter ses valeurs tout en important des produits issus du travail forcé. Le fait que l’UE ait enfin une loi pour interdire ces produits est l’un des plus grands succès de ce mandat », souligne l’eurodéputée socialiste Maria-Manuel Leitao-Marques, co-rapporteure du texte.

Les importateurs seront tenus de fournir des informations approfondies sur les fabricants pour certains produits jugés à risque. De plus, l’Union européenne établira une base de données actualisée et élaborera une liste des secteurs touchés par le travail forcé étatique dans des zones spécifiques, ce qui sera un élément déterminant pour lancer des enquêtes.

Soutien à la minorité musulmane Ouïghours

Cette initiative pourrait influencer la province chinoise du Xinjiang, où plusieurs nations occidentales ont critiqué les pratiques généralisées de travail forcé imposées par le gouvernement chinois à la minorité ouïghoure, une accusation contestée par Pékin.

À la fin de 2021, le Congrès américain adopte une loi qui interdit l’importation de biens aux États-Unis en provenance du Xinjiang, à moins que les entreprises ne puissent démontrer que leur production n’implique pas de travail forcé.

« Victoire! », lance sur X l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, tête de liste des socialistes français aux élections européennes. « C’est l’aboutissement de 4 ans de mobilisation citoyenne et de combat politique contre la réduction en esclavage des Ouïghours, puis de longs mois de négociations », ajoute-t-il.

27,6 millions assujetties au travail forcé

En 2021, selon l’Organisation internationale du travail, le travail forcé touchait 27,6 millions de personnes dans le monde, dont 3,3 millions d’enfants. Selon les dispositions du texte, la Commission européenne initiera des enquêtes en cas de soupçons concernant les chaînes d’approvisionnement dans des pays tiers.

En cas de confirmation du recours au travail forcé (décision prise par un comité réunissant les Vingt-Sept), les produits seront saisis aux frontières et devront être retirés du marché européen, y compris des plateformes en ligne.

Si le risque concerne un État membre de l’UE, les autorités nationales seront chargées de l’enquête. « Les biens essentiels ou stratégiques peuvent toutefois être retenus (et non détruits) jusqu’à ce que l’entreprise élimine le travail forcé de ses chaînes d’approvisionnement », précisent les législateurs.

« Les faces d’une même pièce »

Par ailleurs, les eurodéputés doivent entériner une autre législation qui impose aux entreprises un « devoir de vigilance ». « Ces deux textes sont étroitement connectés, les faces d’une même pièce », insiste l’eurodéputée écologiste Anna Cavazzini.

Les entreprises concernées doivent prévenir, identifier et corriger les violations de droits humains et sociaux (travail des enfants, travail forcé, sécurité…) et les dommages environnementaux (déforestation, pollution…) dans leurs chaînes de valeur à travers le monde, y compris chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales.

Parlement européen et États avaient conclu en décembre un accord politique sur ce texte inédit. Après avoir échoué à deux reprises à trouver la majorité requise, les Vingt-Sept l’ont finalement entériné formellement mi-mars, au prix d’un champ d’application nettement limité.

5 400 entreprises seraient concernées

Selon l’accord de décembre, les règles devaient s’appliquer aux entreprises comptant plus de 500 employés et réalisant un chiffre d’affaires mondial net d’au moins 150 millions d’euros, ainsi qu’aux entreprises dès 250 employés si leurs ventes dépassent 40 millions d’euros et proviennent pour moitié de secteurs à risque tels que le textile, l’agriculture et les minerais.

Cependant, le texte final ne vise désormais que les entreprises comptant au moins 1 000 employés, avec un chiffre d’affaires d’au moins 450 millions d’euros. Cette modification des seuils signifie que seules 5 400 entreprises seraient concernées, contre 16 000 dans l’accord initial de décembre, selon l’ONG Global Witness.

Le texte oblige ces grandes entreprises à élaborer un plan de transition climatique, mais supprime l’obligation initialement prévue de lier la rémunération variable des dirigeants au respect d’objectifs en matière d’émissions de carbone. De plus, les établissements financiers ne sont pas inclus dans cette réglementation.

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