Malgré des milliards d’euros d’aides, la rénovation énergétique des logements en France peine à prendre son essor. Entre lourdeurs administratives, coût élevé et manque de clarté, le dispositif MaPrimeRénov’ rencontre de nombreuses difficultés.
Une rénovation énergétique qui patine
L’État a alloué un budget de plus de 5 milliards d’euros à la rénovation énergétique des logements via MaPrimeRénov’ en 2024. Pourtant, seuls 3,29 milliards d’euros ont été distribués, laissant plus d’un milliard d’euros inutilisés. Ce manque d’engouement a conduit à une réduction des subventions prévues pour 2025.
L’Agence nationale de l’habitat (Anah) visait 700 000 logements rénovés, dont 200 000 transformations majeures, mais seulement 340 800 habitations ont bénéficié d’une rénovation, avec 91 374 projets d’envergure. Oriane Raulet, directrice adjointe de l’expertise et des politiques publiques de l’Anah, explique que la réforme du dispositif en 2024 a demandé un « temps d’appropriation », notamment avec l’obligation de passer par un agent « Mon accompagnateur Rénov’ (MAR) » pour les travaux les plus importants.
Un dispositif trop complexe et peu attractif
Les professionnels du bâtiment tirent la sonnette d’alarme. Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, constate une chute de 75 % des dossiers déposés au premier trimestre 2024 par rapport à l’année précédente. « MaPrimeRénov’ a été tellement complexifiée que nos clients et nos artisans étaient perdus », affirme-t-il.
Du côté des ménages, la lassitude face aux difficultés administratives est palpable. Entre problèmes de connexion au site, dossiers bloqués et versements retardés, de nombreux bénéficiaires partagent leurs frustrations sur les réseaux sociaux. Clarisse Berger, chargée d’études à l’UFC-Que Choisir, pointe « les lourdeurs et la complexité administrative » des démarches.
Par ailleurs, la fraude entourant MaPrimeRénov’ pousse l’Anah à analyser scrupuleusement chaque dossier, allongeant encore les délais. Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’agence, précise que le traitement d’un dossier prend en moyenne cinq semaines, sans compter les signalements de fraude.
Des coûts trop élevés pour les ménages
Si MaPrimeRénov’ peut couvrir jusqu’à 90 % du montant des travaux pour les foyers modestes, le reste à charge demeure un frein majeur. En moyenne, une rénovation coûte 55 000 euros, avec environ 20 000 euros à la charge du ménage, même après déduction des aides.
De plus, les bénéficiaires doivent avancer une partie des fonds, car l’aide n’est versée qu’à la fin des travaux, sur présentation des factures. « Les questions de financement et de pré-financement sont essentielles pour accélérer la massification des rénovations », reconnaît Oriane Raulet.
Un manque d’artisans qualifiés ?
Pour réaliser les travaux éligibles à MaPrimeRénov’, les entreprises doivent détenir le label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE). Or, le nombre de structures labellisées stagne à 60 000 et a même diminué depuis 2022, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Olivier Salleron nuance cependant cette préoccupation : « On ne manque pas d’artisans ! 600 000 salariés du bâtiment peuvent réaliser ces travaux RGE, mais beaucoup d’entreprises ont abandonné le label à cause de l’instabilité du dispositif. »
Quelles perspectives pour 2025 ?
Face à ces difficultés, l’Anah prévoit pour 2025 un objectif de 350 000 rénovations, dont 100 000 d’ampleur, avec un budget de 3,4 milliards d’euros. « Un nombre très important de dossiers a été déposé en fin d’année », rassure Oriane Raulet, qui se montre optimiste sur une reprise progressive de la dynamique.
Si les Français semblent encore réticents à franchir le pas, une simplification des démarches et une meilleure lisibilité du dispositif pourraient redonner un second souffle à MaPrimeRénov’.