Plusieurs causes sont à l’origine des inondations exceptionnelles dans le Pas-de-Calais. Parmi elles, la première est le record de pluies durant les mois d’octobre et novembre, qui ont gorgé les sols d’eau.
Record de pluies battu durant les mois d’octobre et novembre 2023
Ces 30 derniers jours, les pluies ne sont pas exceptionnelles par rapport aux normales selon Météo-France. C’est bien la période de mi-octobre à mi-novembre qui fut marquante, pas uniquement dans le Pas-de-Calais mais aussi partout en France : le record national précédent sur un mois (187 mm) avait été largement dépassé (avec 237 mm).
Plus particulièrement dans le Pas-de-Calais, 305 mm sont tombés entre le 18 octobre et le 16 novembre. En totalité, du 15 octobre au 2 janvier, les cumuls de pluie dans le Pas-de-Calais approchent 800 mm localement. C’est plus de 2,5 fois la normale à cette période d’après l’organisme météorologique.
« On a affaire à une succession de perturbations qui délivrent des quantités de pluie modérées, mais très régulières, sur les mêmes zones », analyse Matthieu Sorel, climatologue à Météo-France.
Sols gorgés d’eau et topographie des vents, responsables
Depuis plus de deux mois, les sols sont donc saturés en eau, qui n’est plus absorbée, ce qui cause des inondations. « C’est le principe de l’éponge. Au bout d’un moment, l’éponge n’absorbe plus, et donc ça ruisselle. C’est exactement ce qu’il se passe sur ce département-là » explique Matthieu Sorel.
La topographie est également « propice à ce genre d’inondations » pour le climatologue. C’est-à-dire « des terrains relativement bas par rapport au niveau de la mer avec de très faibles pentes qui limitent l’écoulement des eaux. »
Même si ce sont des « éléments très minoritaires », le vent peut également « contrarier l’écoulement des eaux ». « Si en plus vous conjuguez cela à des phénomènes de fortes marées et de vagues, effectivement, on va avoir encore un retardement de l’écoulement des eaux fluviales dans la mer ».
Des canaux mal entretenus qui manquent « d’investissements »
Les zones de marais et les canaux du Pas-de-Calais, notamment dans la région de Saint-Omer, sont particulièrement touchées par les crues.
En 2014, une loi indique que l’entretien du réseau des wateringues (appelées aussi watergang), cet ensemble d’ouvrages permettant de rejeter les eaux pluviales vers la mer et qui ont façonné au cours des siècles le paysage plat des Flandres et de l’Artois, relève des collectivités locales et non plus de l’Etat.
Ces canaux et fossés de drainage, les pompes historiques des wateringues, ont été débordées. Ces crues ont révélé un manque d’investissement et d’entretien, selon le ministre Christophe Béchu.
« Il faut travailler l’aval, la question du dernier kilomètre avant la mer »
Les agriculteurs, de leur côté dénoncent des cours d’eau et des bassins de rétention pas assez curés et envasés. « L’eau se gère de haut en bas. Il faut travailler l’aval, la question du dernier kilomètre avant la mer », détaille Christian Durlin, chargé de l’environnement au syndicat agricole FNSEA.
Le fleuve côtier qui déborde, se jette dans la mer du Nord, dans une zone très urbanisée entre Calais et Dunkerque. « Il n’y a pas de solution unique : Est-ce qu’il faut curer, désartificialiser, recreuser, augmenter le volume de pompage… sans doute un mélange de tout cela, tenant compte du terrain », dit-t-il.
L’atmosphère qui se réchauffe provoque de fortes pluies
Matthieu Sorel souligne que « Si l’on regarde les projections du Giec, on aura tendance, plus tard, dans un climat qui se réchauffe, à avoir plus de précipitations sur la période hivernale sur l’Europe du Nord, et donc, sur une partie nord de la France ».
Quand l’atmosphère se réchauffe, elle contient en effet plus de vapeur d’eau, ce qui peut provoquer des pluies. Mais seule une véritable étude scientifique d’attribution pourra révéler à quel point le changement climatique tient un rôle dans les pluies depuis le mois d’octobre.