Alors que la pêche française tente de se conformer aux objectifs européens de durabilité, les populations de poissons peinent à se renouveler. En cause : la surpêche, mais aussi le réchauffement climatique et la dégradation des écosystèmes marins. Selon l’Ifremer, un poisson sur cinq débarqué en France provient de stocks surexploités. Un signal d’alarme pour l’avenir de la filière et des ressources marines.
Une situation critique malgré des progrès
Les chiffres du dernier rapport de l’Ifremer, publié en 2023, révèlent une légère amélioration de la situation. 58% des 323.000 tonnes de poissons débarqués en France proviennent de populations en bonne santé, contre seulement 52% en 2022. Cependant, la surexploitation reste préoccupante : 19% des poissons pêchés appartiennent à des stocks surexploités, et 2% proviennent de populations en voie d’effondrement, comme le merlu de Méditerranée ou la sole de Manche Est.
À cela s’ajoutent 21% des volumes issus de stocks non évalués, faute de données suffisantes. Cette incertitude rend difficile une gestion durable et efficace des ressources marines.
Après une réduction significative de la surpêche entre 2008 et 2016, l’amélioration de la situation semble aujourd’hui marquer le pas. Le problème ne vient pas seulement de la pression exercée par la pêche, mais aussi du faible taux de survie des larves de poissons.
« Le problème majeur, c’est tout ce passage de l’œuf au juvénile. Ce sont des problèmes qui ne sont pas liés seulement à la pêche mais à la survie, à un taux de succès de la reproduction qui commence à être assez problématique », explique Clara Ulrich, coordinatrice des expertises halieutiques à l’Ifremer.
Des espèces sous pression
Selon l’Ifremer, plusieurs populations de poissons affichent des signaux d’alerte préoccupants. Parmi elles, la sole du Golfe de Gascogne, le hareng de mer du Nord ou encore le merlu de l’Atlantique.
Actuellement, 31% des poissons débarqués en France proviennent de populations dont le recrutement est en baisse, c’est-à-dire que les jeunes poissons survivent moins jusqu’à l’âge adulte. À l’inverse, seulement 20% des volumes viennent de populations en augmentation, tandis que 49% restent sans évaluation précise.
Parmi les facteurs aggravants, l’Ifremer pointe du doigt plusieurs éléments :
- La pollution et la dégradation des habitats marins,
- Le réchauffement de l’océan, qui modifie les conditions de reproduction,
- Le décalage des cycles naturels, notamment des efflorescences de zooplancton, source essentielle de nourriture pour les larves,
- Les changements de courants océaniques, qui perturbent les déplacements des espèces,
- La destruction des zones côtières riches en nutriments, essentielles au développement des poissons juvéniles.
Un objectif européen encore loin d’être atteint
La Politique Commune de la Pêche (PCP) de l’Union européenne vise un objectif ambitieux : atteindre 100% des pêcheries au « rendement maximum durable » (RMD), c’est-à-dire prélever les poissons à un rythme qui permet leur renouvellement sans risquer l’effondrement des stocks.
Or, la pêche française est encore loin du compte. Malgré les restrictions et les efforts des professionnels du secteur, une part significative des captures ne respecte pas encore cet équilibre durable.
Alors que le climat évolue rapidement et que les ressources marines sont sous pression, la nécessité d’une gestion plus stricte et d’actions pour restaurer les habitats marins devient urgente. Sans cela, la filière pêche et les consommateurs risquent de faire face à une raréfaction progressive de certaines espèces emblématiques.