Simon Bernard est co-fondateur et président de l’association « Plastic Odyssey. » Nous l’avons rencontré à Marseille, à bord du navire Plastic Odyssey, un bateau emblématique avec une zone atelier de recyclage, une exposition des produits recyclés. Nous avons eu la chance de le visiter avant qu’il ne parte en mer pour une expédition de plusieurs mois.
Vous êtes une figure emblématique de la jeunesse qui déploie son énergie en faveur de la mer. Quelles sont les activités de « Plastic Odyssey » ?
Nous travaillons sur la pollution plastique. Notre but c’est d’éviter que le plastique n’arrive dans l’océan. Nous ne nous intéressons pas vraiment à la collecte du plastique en mer mais plutôt à la manière de démocratiser le recyclage du plastique dans les pays qui, aujourd’hui, n’y ont pas accès.
En particulier en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie, nous faisons un challenge : si on arrive à faire des technologies qui sont faciles à construire partout dans le monde, qui vont être diffusées sans brevet en open source, alors nous permettrons à des entrepreneurs du monde entier de répliquer ces systèmes et donc de transformer les déchets plastiques pour en refaire une ressource.
Ceux-là peuvent être des matériaux de construction, de l’énergie, etc. Tout cela, c’est pour faire en sorte que ces solutions soient connues dans le monde entier. Nous avons un projet d’expédition maritime. Nous avons acheté un navire de recherche scientifique il y a 2 ans. Nous l’avons transformé intégralement. C’est un bateau qui mesure 40 mètres.
Ce bateau ressemble un petit peu au Calypso du commandant Cousteau mais en version lutte contre la pollution plastique. Donc nous on a 200 m² d’ateliers à l’arrière. On a installé les différentes machines qu’on a développées dans le but de partir l’année prochaine pour 3 ans d’expédition en allant de pays en pays pour montrer ces systèmes. Nous voulons montrer que les solutions existent. Elle est diffusée pour qu’elle soit répliquée partout dans le monde.
Vous menez des actions pédagogiques. Quels sont vos messages et comment vous les faites passer ?
Nous menons deux actions en parallèle. Il faut traiter cette quantité de déchets qui a déjà été produite et qui sont sur les côtes actuellement et qui se déversent dans l’océan mais aussi éviter d’en produire. Donc là, l’axe de sensibilisation de pédagogie va plutôt dans ce sens-là : essayer de trouver des manières de faire changer les comportements.
Nous n’avons pas tous les mêmes habitudes ou les mêmes raisons de consommer du plastique en France, à Dakar ou en Indonésie.
Donc ce qu’on fait c’est qu’on a un programme de recherche en sciences sociales qui va être déployé à chaque escale. On va s’intéresser à comprendre quel est le rapport qu’on peut avoir aux déchets et aux plastiques dans chaque pays, pour derrière savoir comment est-ce qu’on peut sensibiliser et ce qu’on peut faire changer les comportements. Et ça, ça va être une première c’est qu’on s’intéresse assez peu aux sciences sociales et pour moi je trouve que c’est essentiel en tant qu’ingénieur on est passionné de technique souvent mais si on oublie l’humain, on ne va pas on ne va pas très loin. Nous menons ces deux actions en parallèle.
La conscience pour l’écologie et pour la protection des océans viennent parfois progressivement. Y a-t-il eu un déclic pour votre engagement ?
J’ai eu un déclic à un moment donné. J’ai regardé un documentaire et puis c’est venu petit à petit par des rencontres. J’ai commencé à participer à beaucoup de projets quand j’étais étudiant. J’ai fait un projet de recyclage de savon d’hôtel, ensuite je me suis intéressé à la réduction du CO2 des bateaux… Et après j’ai rencontré un jeune ingénieur comme moi, Corentin de Châtelperron, qui travaillait sur les low-tech. Puis je vais embarquer sur le nomade des mers qui était un peu un bateau d’exploration sur les low-tech (l’inverse des high-techs).
Ce sont un peu toutes ces expériences-là qui m’ont amené à vouloir m’engager et monter à mon tour mon propre projet. Je raconte souvent que j’aime bien faire des choses qui n’ont jamais été faites.
Quelles sont les politiques qui devraient bouger en matière de transition écologique ?
Je crois qu’on entend toujours dire « mais de toute manière c’est l’état qui doit prendre des mesures ». Mais chacun doit faire sa part. Tout le monde doit s’attaquer au problème et bosser ensemble. C’est quand même complexe de passer une loi et mais on voit derrière que ça peut avoir des répercussions énormes. Mais des initiatives de terrain peuvent aller très vite aussi. On le voit par l’engagement du plus grand nombre, on peut réussir à lever des montagnes.
La jeunesse, engagée, peut faire remonter des problématiques et derrière faire bouger l’état qui va voter des lois.
Quels gestes les citoyen(nes) doivent-ils/elles adopter pour être écologiques ?
Nous pouvons tous adopter des petits gestes comme passer au shampoing solide, avoir sa gourde, etc. La pollution plastique c’est un super sujet parce que c’est visible donc il y a des actions concrètes. On peut le voir, mais il ne faut pas oublier que l’océan est pollué par d’autres choses qui ne sont pas uniquement plastiques.
Il y a le CO2 qui entraîne l’acidification des océans, c’est quand même très médiatisé. Il faut aussi lutter contre la surpêche. Il y a énormément d’actions qu’on peut faire à notre échelle en consommant différemment et en vivant différemment. Mais il faut prendre conscience de toutes ces pollutions et de tout ce qu’on peut faire à notre échelle.