La floraison des cerisiers est un des événements emblématiques attendus à Washington. Elle a lieu à proximité des monuments célèbres de la capitale américaine et attire plus d’un million de personnes chaque année.
Un pic mi-mars cette année
Dès la mi-mars les visiteurs peuvent désormais observer le phénomène. À cause du réchauffement des températures, le pic de floraison arrive en moyenne six jours plus tôt qu’il y a un siècle. Cette année, ce pic a eu lieu le 17 mars, après que les Etats-Unis ont vécu leur hiver le plus chaud jamais enregistré. Cette date a seulement été battue une fois par le passé, en 1990.
« C’est un exemple concret de l’impact du changement climatique sur la capitale », explique Mike Litterst, responsable de la communication au sein du National Park Service (NPS), auprès de l’AFP. Autre bouleversement : des cerisiers qui bordent le fameux bassin Tidal, lieu de prédilection où les observer, se retrouvent régulièrement les pieds dans l’eau.
300 arbres dont 158 cerisiers bientôt coupés
C’est en partie, la montée du niveau de la mer qui en est responsable, et qui se répercute jusqu’ici via le fleuve Potomac. Par conséquent, l’agence fédérale a prévu de commencer, à la fin du printemps, de gros travaux de restauration des digues. Cette opération aura pour conséquence l’abattage de 158 cerisiers (300 arbres au total) annonce le NPS, qui provoque la tristesse des habitants.
La décision n’a pas été prise « à la légère », assure Mike Litterst, qui souligne que 455 arbres (dont plus de 270 cerisiers) seraient par la suite replantés. « Laisser les choses comme elles sont n’est pas une option, car au bout du compte, il n’y aurait plus de cerisiers du tout. »
Une floraison en 15 jours au lieu de 26
C’est en 1912 que les cerisiers ont été offerts par le Japon en signe d’amitié. Le « National Mall », immense esplanade verte au centre de Washington, en compte aujourd’hui près de 3 700. Autour du bassin en question, il s’agit de cerisiers Yoshino, aux délicates fleurs rose pâle, que les foules se pressent pour photographier.
Cette année le cycle de floraison a été plus court que jamais : de l’apparition des bourgeons à leur éclosion, il ne s’est écoulé que 15 jours, contre 26 en moyenne. À noter que la semaine passée, les températures ont atteint plus de 20°C cinq jours d’affilée.
En dehors d’une réorganisation de l’agenda des touristes, ces floraisons précoces peuvent surtout avoir des conséquences « très sérieuses » sur les insectes pollinisateurs, selon Mike Litterst. « Que se passera-t-il si nous en arrivons à un point où la floraison a lieu si tôt, qu’aucun pollinisateur n’est là ? », questionne-t-il.
113 millions de dollars de travaux
Mike Litterst vit sa dixième saison de floraison. Ce qui l’a surtout frappé c’est la montée des eaux. « Cela a été étonnant à observer, voire un peu effrayant », confie-t-il. Alors que certaines zones pouvaient se trouver inondées une fois par mois il y a 10 ans, elles le sont aujourd’hui toutes les semaines, voire tous les jours, raconte-t-il.
Mal construite, les digues se sont enfoncées d’environ 1,5 mètre depuis leur construction il y a plus d’un siècle, dit-il, tandis que le niveau de l’eau est monté de quelque 30 centimètres. Le montant des travaux, qui dureront trois ans, s’élève à 113 millions de dollars. Dans le futur, les nouvelles digues pourront être encore surélevées pour s’adapter à une montée des eaux supplémentaire.
« Stumpy » renaîtra de ses cendres
« C’est si triste et dur de voir à quel point le changement climatique a un impact sur nous, avec cette floraison précoce et la façon dont on voit la mer commencer à grignoter la ville », dit Caitlin Cotter Coillberg, pasteure en banlieue de Washington. « J’ai hâte de revoir ce lieu une fois restauré. »
Si la nouvelle des travaux a fait le tour de la capitale, c’est aussi car « Stumpy », que l’on pourrait traduire par « le laideron », surnommé ainsi à cause de son apparence disgracieuse, sera l’un des arbres bientôt coupés. Malgré son tronc creux paraissant presque mort, ses rares branches fleurissent toujours, un apparent miracle lui valant l’affection des habitants.
Les autres arbres retirés seront transformés en compost. Pour « Stumpy », des boutures seront prélevées, pour faire pousser de nouveaux arbres ayant son ADN, mais pas forcément sa silhouette maigrelette. Ils seront replantés sur le « Mall », une fois les travaux terminés.